(1012 lectures) |
|
aucune note |
Ces propositions s’appliquent aux « sucres libres », dont l’acception est un peu plus large que celle des sucres ajoutés. Selon l’OMS, les « sucres libres » regroupent les monosaccharides (tels que le glucose et le fructose) et les disaccharides (tels que le saccharose ou sucre de table) « qui sont ajoutés aux aliments par le fabricant, le cuisinier ou le consommateur, ainsi que les sucres naturellement présents dans le miel, les sirops, les jus de fruit et les concentrés de fruits ».
La notion de « sucres cachés » est parfois utilisée, sans grande pertinence. Les sucres, qu’ils soient naturellement présents (le lactose du lait ou le glucose des fruits) ou ajoutés (le sucre en poudre dans un quatre-quarts ou le sirop de glucose dans un bonbon) sont constitués des mêmes molécules. Rappelons que les teneurs en sucres (ajoutés et naturellement présents) sont indiquées dans la déclaration nutritionnelle des aliments et que les sucres ajoutés figurent nécessairement dans la liste des ingrédients ; ces sucres ne sont donc en aucune façon cachés au consommateur. Concernant les produits salés, dont certains seulement contiennent des sucres ajoutés (conserves de légumes, sauces, certaines charcuteries), les teneurs en sucres ajoutés sont faibles le plus souvent, entre 0,1% et 3% (3g pour 100 g).
La recommandation de limiter les apports en sucres libres à moins de 10 % des calories quotidiennes s’appuie sur une étude d’observation sur les caries dentaires de 1982 et visait à l’origine la prévention de la carie dentaire. Reconduite à l’identique depuis 1989, elle a progressivement été étendue par l’OMS à la prévention de l’obésité.
Dans sa récente analyse scientifique[2], l’OMS précise que la baisse ou l’augmentation des apports en sucres est associée chez les adultes à une variation parallèle du poids ; l’effet reste faible et moins évident chez les enfants. L’agence indique également que l’effet des sucres sur le poids n’est pas lié à leur nature même mais à leur contribution éventuelle aux calories en excès.
L’OMS ajoute une recommandation « conditionnelle » d’abaisser ce seuil de 10% à 5 % pour « des bénéfices santé additionnels », visant en particulier une meilleure prévention des caries dentaires dans les pays à faible niveau de revenus. A noter que cette recommandation est basée selon l’OMS sur « des niveaux de preuve de très faible qualité », avec des études d’observation sur la carie dentaire remontant à la seconde guerre mondiale[3]. La carie est classée comme un fléau sanitaire mondial par l’OMS mais la gravité n’est pas la même suivant les pays ; en France, la santé bucco-dentaire s’améliore significativement et régulièrement depuis 30 ans alors même que les apports en sucre sont stables (indice DMFT[4] divisé par 3 en France entre les années 1986 et 2009 selon l’OCDE[5]).
Dans un grand nombre de pays européens, les apports individuels en « sucres libres » ne sont pas connus très précisément mais les estimations les situent en moyenne chez les adultes autour de cette limite chiffrée à 10-12 % des calories quotidiennes, sans doute un peu plus pour les enfants (qui consomment “structurellement” plus de sucres notamment via les apports lactés).
Pour la France, selon l’enquête nationale de l’Institut National de Veille Sanitaire (InVS, 2006), les apports moyens en sucres ajoutés se situent au niveau de la valeur de 10% fixée par l’OMS, ce qui est positif même si cela signifie qu’une partie de la population en consomme sans doute au-delà de ses besoins. En termes de distribution de population, 3 adultes sur 4 et 1 enfant sur 2 satisfont à l’indicateur d’objectif nutritionnel français sur les sucres, inspiré de celui de l’OMS.
Ces recommandations ne s’adressent pas aux individus mais aux états et à leur administration, afin que ceux-ci l’adaptent ou non pour leur population, en fonction de la situation nutritionnelle du pays. Comme le rappelle l’OMS, les recommandations sur les sucres sont à intégrer dans les politiques globales de santé publique nationales, en les croisant avec les autres recommandations nutritionnelles sur les lipides, les protéines, les micronutriments.
En France, le Programme National Nutrition Santé (PNNS) a déjà intégré depuis 2001 les recommandations visant à limiter les sucres ajoutés, communiquant sur ce point avec les consommateurs comme avec les entreprises alimentaires. Ces dernières contribuent à l’optimisation de l’offre alimentaire, en revoyant lorsque c’est possible et pertinent les teneurs en sucres de leurs produits. Les sucres apportent non seulement la saveur sucrée mais aussi de la texture, de la couleur, de la conservation, c’est pourquoi il existe des limites technologiques à la réduction des teneurs en sucres dans certains aliments. Des apports en sucres en équilibre avec les besoins relèvent aussi des portions consommées, donc des comportements alimentaires et du style de vie. Notre modèle alimentaire français, associant convivialité, diversité de l’offre et repas structurés, favorise plutôt de bons comportements de ce point de vue.
[2] Dietary sugars and body weight: systematic review and meta-analyses of randomised controlled trials and cohort studies
University of Otago, Nouvelle-Zélande, British Medical Journal, 2012
[3] Effect on caries of restricting sugars intake: Systematic review to inform WHO guidelines, Journal of Dental Research, 2014