Dès le XVIème siècle, l’agronome Olivier de serres fut le premier à signaler la présence de sucre dans la racine de la betterave et à développer des techniques d’extraction, pressentant les extraordinaires ressources de cette plante d’un point de vue sucrier. Mais à l’époque, l’influence de ses observations reste très limitée. En 1745,150 ans plus tard, un chimiste allemand, Andreas Marggraf, présente à l’Académie des sciences de Berlin un mémoire sur les expériences qu’il a menées et explique notamment que la betterave à sucre contient du « vrai sucre » dont l’aspect, le goût et les qualités étaient en tout point comparables à ceux du sucre de canne. Mais Marggraf passe à d’autres expériences et le sucre de betterave tombe une fois de plus dans l’oubli. En 1786,Frédéric Achard, élève de Marggraf, reprend ses travaux. Achard a réussit à mettre au point l’essentiel des opérations d’extraction, mais il croit que la teneur en sucre des betteraves augmente avec le temps de stockage, alors que bien au contraire elle diminue. C’est sous l’Empire (au XIXe siècle) que la betterave connaîtra un véritable essor.
Napoléon a joué un rôle décisif dans la production du sucre de betterave. En 1806, Il instaure le blocus continental aux anglais qui pour riposter empêchent donc les navires marchands d’entrer dans les ports français. La France se trouve donc face à une pénurie de sucre car elle ne peut plus l’importer. C’est ainsi que napoléon va inciter les chercheurs à extraire le sucre d’une plante qui pousse en métropole. En 1812, Benjamin Delessert présente à Napoléon les premiers pains de sucre de betterave aussi blancs et raffinés que ceux de sucre de canne. Napoléon décore le raffineur de la légion d’honneur, crée par ailleurs des bourses d’études et distribue 500 licences de fabrication. Il ordonne la plantation de betterave sur 100 000 hectares de terre et pousse les industriels à produire en très grande quantité.
Les inventeurs du morceau de sucre se sont succédés pour trouver un conditionnement plus pratique que le pain de sucre de 2 kg, à la fois pour transporter et pour consommer le sucre. En 1843, le tchèque Jacob Kristof Rad a produit les premiers morceaux de sucre, en plusieurs étapes quasi-artisanales : fondre du sucre, couler du sucre liquide sur un plateau, scier la plaque de sucre après solidification en bandes, puis casser en cubes.
En 1875, un Français Eugène François invente une machine à scier les pains de sucre en rondelles, puis chaque rondelle en morceaux de sucre plus ou moins réguliers.
Vers 1900, Théophile Adant développe en Belgique une série d'outils industrialisant le procédé de Jacob Rad : réalisation de plaques de sucre (cristallisation pendant 8 à 12 h), séchage, sciage en barres puis en morceaux symétriques. Le système est repris et rapidement amélioré par des sucreries en Belgique, puis un peu partout en Europe jusque dans les années 40 (commercialisation en boîtes d'1 kg vers les années 30).
Les temps modernes
En 1949, Louis Chambon va inventer un système complètement nouveau, le moulage direct des morceaux de sucre dans des presses rotatives (pression du sucre cristallisé ré-humidifié). Les morceaux sont très nets et réguliers ; en outre, la cadence de production nettement supérieure fait en sorte que le procédé Adant est rapidement abandonné. De ce fait, le procédé de sucre en morceaux par sciage ou cassage est remplacé par le procédé du sucre moulé par pression. Dorénavant, les morceaux de sucre moulé sont réguliers et calibrés, pour être ensuite présentés en boîtes de 500 g ou 1 kg. Ce procédé "Chambon" est toujours celui utilisé en France, ce qui confère à notre pays cette spécificité du morceau de sucre.
Le morceau de sucre emballé et décoré
C’est en 1908 que furent présentés à Paris les premiers morceaux de sucre enveloppés et en 1928 fut inventé le premier morceau de sucre emballé et publicitaire. En effet, au début du XXème siècle, les mesures d’hygiène favorisent le développement des morceaux emballés individuellement pour la consommation dans les cafés et les restaurants. Le sucre emballé prend vraiment son essor en 1950, avec l'apparition de la machine "Chambon". Chaque emballage papier contient généralement un ou deux morceaux. Aujourd’hui, le sucre en morceaux enveloppés demeure un particularisme français.